Comme partout dans le monde la journée internationale de la liberté de la presse devait être célébrée par les journalistes guinéens avec un cahier de doléances pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie et pour dénoncer et protester contre les dénis de liberté dont les journalistes sont victimes dans l’exercice de leur profession.
Malheureusement, le Front Commun des Médias a constaté avec regret la récupération de l’entièreté des activités de la journée du 3 mai 2014 par le gouvernement guinéen avec la complicité active de certains responsables des associations de presse.
Considérée comme étant une journée de liberté à l’occasion de laquelle les femmes et hommes de médias expliquent leurs difficultés, revendiquent l’amélioration de leurs conditions de travail et exigent plus de liberté, cette journée a malheureusement été dévoyée pour soumettre les journalistes aux épreuves de déclarations dithyrambiques habituelles des ministres, de certains patrons de presse et de leurs invités.
Dans la matinée, un hôtel huppé, parmi les plus chers de la Guinée, a été choisi par ces dignitaires du régime pour encore une fois tirer à boulet rouge sur les pauvres journalistes auxquels ils ont attribué tous les maux du pays, alors que les journalistes continuent à travailler sans salaire pour certains, avec un très bas salaire pour d’autres ; sans contrats de travail pour certains, avec un contrat inappliqué pour d’autres, etc. Toute chose contraire aux textes qui réglementent le travail en Guinée. Cela, au vu et su du CNC, plus prompte à sanctionner l’audace d’un journaliste qu’a lui garantir un environnement de travail digne de la noblesse du métier de journaliste. Et, l’on s’étonne que certains journalistes fassent la manche au sortir d’un événement dont ils ont assuré la couverture. Aucune interrogation, aucune attention particulière sur les conditions dégradantes de vie et de travail des journalistes !
Ce n’est pas tout ! À la Maison de la Presse, dans la journée, un thème leur a été imposé… Là aussi pour s’attaquer au traitement fait par les journalistes de la fièvre Ebola, alors qu’une partie de l’opinion impute plutôt l’arrivée de cette fièvre mortelle dans la capitale guinéenne à l’irresponsabilité du gouvernement qui avait choisi de taire l’information durant plusieurs mois, alors qu’un rapport de médecins avait indiqué que cette maladie décrite dans la presse comme mystérieuse ressemblait à Ebola. Mais, de mi-décembre au 21 mars, le gouvernement refusait de reconnaître l’existence de la fièvre hémorragique virale Ebola dans notre pays… De quoi peut-on sérieusement reprocher aux journalistes dans la propagation de cette épidémie qui a endeuillé plusieurs familles notamment à Conakry ? Il fallait être à la Maison de la Presse ce 3 mai 2014 pour comprendre que le peu de liberté chèrement acquise par les hommes de média en Guinée est complètement détournée de nos jours…
Et, dans la soirée, pour boucler l’entièreté de cette journée du 3 mai, ces dignitaires de la presse et du gouvernement ont drainé le public et les caméras au stade du 28 septembre pour se partager des enveloppes après un match amical où, encore une fois, les vedettes étaient les membres du gouvernement qui ont finalement réussi à monopoliser les activités de toute la journée dite de la « liberté de la presse » !
Avec les difficultés des journalistes guinéens, incapables de vivre du fruit de leur travail, victimes des abus du pouvoir public et de certains patrons de presse, y avait-il réellement quelque chose à fêter en Guinée ?
Justement, le classement dégradant de la Guinée- qui vient de perdre 16 places au classement mondial de Reporters Sans Frontières (RSF)- rappelle que les journalistes n’ont toujours pas la liberté d’exercer ce noble métier dans notre pays ! Ils n’ont même pas accès aux informations publiques… Aussi paradoxale que cela puisse paraître, une loi portant sur le « droit d’accès aux informations publiques », déjà promulguée par le président de la Transition, Sékouba Konaté, n’a toujours pas bénéficié d’insertion au Journal Officiel et elle est toujours considérée comme « Non opposable » !
Par ailleurs, cette journée était l’occasion de rappeler qu’au-delà des menaces abus et brimades dont les journalistes, leurs familles et proches sont victimes de la part des forces de l’ordre, des pouvoirs publics et des militants des partis politiques, certains journalistes sont poursuivis et poussés à l’exil, comme le cas du Directeur Général de la radio privée Planète FM, Mandian Sidibé, qui vit en exil depuis novembre 2013 et dont les démarches et plaidoiries de ses amis et proches n’ont toujours rien pu face aux velléités de nos gouvernants à faire taire tous ceux qui n’empruntent pas leur vocabulaire pour s’exprimer…
Est-il encore besoin de rappeler que depuis l’élection du président Alpha Condé à la magistrature suprême, aucune licence n’a été accordée ni à une radio ni à une télévision privée… Quel recul ?
Enfin, le Front Commun des Médias demande aux journalistes des secteurs des médias guinéens de se lever pour réclamer leurs libertés et le respect de leurs droits pour un meilleur exercice de leur métier dans notre cher pays.
Bonne fête aux journalistes Guinéens et d’ailleurs
Conakry, le 4 mai 2014
Pour le Front Commun des Médias